Nigeria: Les éléphants se battent, et la souffrance interminable des herbes continue

Rebecca Tickle 

Au Nigéria, la lutte sans merci pour les élections présidentielles de janvier 2011 bat déjà son plein, et tous les coups sont permis. Les fraudes bien juteuses sortent leurs têtes du panier de crabes, servant d'alibi aux uns et aux autres pour s'éliminer mutuellement de la course. Les alliés de jadis deviennent des ennemis, et les ennemis deviennent des alliés, sur un fond de tribalisme. Le commun des mortels n'arrive même plus à suivre.

Ne nous leurrons donc pas! Les fraudes monstrueuses qui se découvrent les unes après les autres ne sont pas dénoncées pour la bonne cause ou pour un souci quelconque de transparence. Les accusateurs sont d'ailleurs tout aussi fraudeurs que les accusés. Dans une ambiance de pré-campagne électorale déjà pestilentielle, ces dénonciations deviennent une arme redoutable contre la concurrence.

En fin de compte, on peut se demander qui va juger les coupables, puisque la Justice elle-même est trempée jusqu'au dernier cheveu dans ces complots qui se superposent comme des pelures d'oignons.

C'est ainsi que l'ancien président Olusegun Obasandjo, qui a dirigé le Nigéria de 1999 à 2007, et qui continue d'user de son influence mafieuse dans les hautes sphères de pouvoir, jouant au médiateur sainte nitouche quand l'Union Africaine lui en offre l'occasion, est aujourd'hui – enfin - accusé, selon le Quotidien Sahara Reporters, d'avoir partagé en 2000-2001 la coquette somme de 74 millions de dollars avec son vice-président Atiku Abubakar et deux directeurs successifs de laNigeria Petroleum National Corporation. Durant la même période, Obasandjo et son parti, le PDP, ont également empoché 5 millions de dollars.

En l'occurrence, Obasandjo et Atiku sont les deux sur les rangs pour les prochaines présidentielles.

D'autres bénéficiaires de fraudes massives ne sont pas non plus des petites pointures, puisqu'il s'agit notamment du Général Sani Abacha qui s'est servi de 40 millions en 94-95, ainsi que plusieurs autres, qui ont empoché respectivement 11,7 million en 2001-2002, 2.5 million en 96-97, 1.8 millions en 98, et 3.1 millions en 2001-2002.

L'ancien président militaire, le Général Ibrahim Gbadamosi Babangida, au pouvoir entre 1985 et 1993, ayant également déclaré son intérêt pour la présidence en 2011, est aujourd'hui mis sur la sellette pour la gestion douteuse d'une somme de 12.4 billions pendant son mandat.

Le vent souffle aussi au sein-même du parti au pouvoir. Le président du PDP, Prince Vincent Ogbulafor, est brusquement écarté par le Président Jonathan, puisqu'il est devenu un obstacle pour sa course effrénée aux présidentielles prochaines.

Dans toute cette tempête, la nouvelle première Dame, Patience Jonathan, est partie hier pour un voyage privé à Dubai, pour la deuxième fois depuis que son époux remplace feu président Yar'Adua aux rennes du pouvoir. Elle est une grande amatrice de bijoux en or dit-on, mais elle a également un casier judiciaire conséquent. En effet, son nom est étroitement mêlé à déjà deux affaires de blanchiment d'argent, qui n'ont pas encore été élucidées. A l'époque où son mari était encore gouverneur de l'état de Bayelsa, les autorités anti-fraudes avaient déjà trouvé 13.5 millions de dollars dans les poches de Madame Jonathan. On a de la peine à s'imaginer que son mari n'est pas au courant des affaires financières de sa femme, et de fil en aiguille on peut s'imaginer le niveau d'intérêt du Président Jonathan pour un mandat complet dès 2011. De toute évidence, son mandat tronqué actuellement ne lui suffira pas pour se remplir les poches suffisamment!

En fin de compte, un mandat présidentiel au Nigeria, c'est quoi?

Un simple temps de fraude massive des biens publics, particulièrement des bénéfices issus de l'exploitation pétrolière. Il s'agit donc d'une escroquerie massive et interminable du peuple nigérian, dont le développement socio-économique ne constitue qu'une très infime priorité sur l'agenda de la classe politique.

A ce point de la discussion, il est utile de rappeler que les principaux partenaires du gouvernement nigérian sont entre autre Royal Dutch Shell, ExxonMobil, Chevron, Total Fina Elf et Nigeria Agip Oil. Le lien entre ces compagnies et le gouvernement de leur pays d'origine est évident. Donc on est en droit de se demander quelle est la part de volonté politique des pays occidentaux à promouvoir le développement humain des pays dont ils exploitent les ressources de façon plus ou moins licite. Car leur partenariat avec des hauts voltigeurs de la fraude de biens publics les rend bel et bien coupable de recel.

La pauvreté et le désespoir total du peuple nigérian et surtout de sa jeunesse, à l'instar de beaucoup de pays africains, est un élément complètement ignoré dans les politiques migratoires occidentales. En gros, on se sert comme on veut, mais on se fiche complètement du confort même minimal en termes de droits de l'homme de la population subissant l'exploitation massive et hors mesures, dont bénéficient les peuples occidentaux. Inutile de rappeler les conditions de vie inimaginables des peuples du delta du Niger, dont l'environnement souffre jusqu'à la moelle des conséquences de l'équivalent d'un déversement de l'Exxon Valdès par année depuis cinquante ans.

En conclusion, la corruption massive de la classe politique combinée avec la collégialité intéressée et la connivence des pays occidentaux, font, au Nigéria et dans plusieurs autres pays d'Afrique sub-saharienne, un mélange hautement toxique au détriment du développement humain des populations.

Remarque de fin: La plupart des demandeurs d'asile nigérians dans le monde, certains parlent de 95%, viennent du Delta du Niger.

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