Méditerranée: De passeurs criminels au bouc-émissaires
Rebecca Tickle
Le cimetière Méditerranée n'est pas dû en priorité à la traite d'êtres humains de quelques trafiquants véreux. Les "grands" de ce monde le savent parfaitement.
Les passeurs sont juste la cible la plus facile et la plus accessible à viser dans le cadre de la recherche de solutions. Mais à qui la faute réellement dans ce massacre de masse?
Ces mafieux de service ne représentent que les dégâts collatéraux d'une crise à vrai dire mondiale, que tout le monde se passe comme une patate bien chaude.
A-t-on jamais osé décréter que le marché noir était la cause de la seconde guerre mondiale? Appelons un chat un chat et acceptons le fait que les passeurs ne font que réagir à une demande qui existait avant l'existance de leur trafic. Ils sont le "marché noir" dans la guerre pour les ressources naturelles d'un monde à deux vitesses, où les êtres humains dont on profite le plus, sont devenus superflus.
Si on s'attaque d'abord aux passeurs et que l'on bloque leur business sur les côtes de la Libye, on ne fera que déplacer le problème, et ils developperont toujours de nouveaux réseaux ailleurs, comme tous les trafiquants et opportunistes.
Aux Africains subsahariens qui "se cherchent" comme on dit souvent péjorativement, fuyant la misère, les injustices sociales, l'impunité et l'absence totale d'opportunités décentes, dû à la malgouvernance d'abuseurs politiques alimentés et cautionnés par l'Occident sainte-nitouche, se rajoutent des milliers de familles entières fuyant la guerre en Libye, Syrie et bientôt du Yémen.
A la négrophobie sous-jacente à la pression décisionnelle quant à cette migration de masse indésirable en Europe, se rajoute aujourd'hui l'islamophobie qui gère plus que jamais l'urgence du besoin de solutions.
Pour les plus humanistes d'entre nous, il est évident que le problème est d'abord celui de ces migrants au bout du rouleau, avant d'être celui de l'Italie et du reste de l'Europe. A vrai dire, c'est la question de vie ou de mort, qu'elle soit sociale ou physique, qui prime.
En tant que citoyens en instance de conscientisation du fait que la mondialisation n'est pas qu'une question économique, mais aussi la réalité d'un monde que les peuples doivent se partager, bon gré malgré.
Ce n'est donc qu'en amont autant que possible et dans une vision de "je suis parce que nous sommes" - Ubuntu, philosophie ironiquement subsaharienne - qu'on pourra espérer trouver des solutions satisfaisantes pour résoudre un problème qui ne peut que s'aiguiser par les temps qui courent.
Accessoirement, il sera indispensable qu'une réflexion se fasse, non seulement sur le trafic illicite d'armes - déjà en cours au niveau théorique, mais sans effet sur le terrain -, mais aussi et surtout sur la production et l'exportation de matériel de guerre dit licite.
La question de la course à l'armement au niveau mondial est plus que jamais essentielle dans le débat. D'un monde bipolaire nous sommes passé à un monde multipolaire depuis la chute du mur de Berlin, ce qui a entre autre anarchisé le marché de l'armement.
Peut-être que les pays producteurs d'armes - de destruction massive, il faut bien le dire - semant la mort et la désolation, deviendront davantage réactifs à la douleur extrême de citoyens superflus quand la guerre aussi entrera dans la danse de la mondialisation, touchant invariablement des citoyens de moins en moins superflus.
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