Burundi: Le mandat ensanglanté

Rebecca Tickle


Des femmes et des hommes tués par les tirs à balles réelles des forces commandées par l'ex-rebelle Nkurunziza. Ces enfants du Burundi de demain, ne sont-ils vraiment que des voyous instrumentalisés?

Bujumbura 23 mai 2015
Otages d'un terroriste mégalomane boulimique de pouvoir qui tue son peuple qu'il veut forcer à l'élire démocratiquement et dans la transparence. 

Le choix du peuple à tout prix, au prix du sang et de la désolation. Au prix de l’extermination de toute contestation, quelque soit sa forme. Hier, Zedi Feruzi, président du parti d’oposition UPD, a été tué par balles avec son garde-du-corps. Un pas de plus est franchi dans la folie de Pierre Nkurunziza.

Pas étonnant que d'autres despotes de la sous-région aient condamné avec force le récent coup d'Etat contre Nkurunziza. A l'instar de Deby qui proteste auprès de son homologue français, ces terroristes d'Etat massacrent leur propre peuple depuis des décennies, avec, tout naturellement, l'accord tacite de leurs "partenaires d'affaires". La communauté internationale a condamné le coup d’Etat contre Nkurunziza, mais comment gère-t-elle aujourd’hui son soutien à l’homme fort du Burundi.

A ceux qui ont condamné le coup d'Etat contre Nkurunziza parce que dans leur pays « on en a marre » des coups de force à répétition - sentiment totalement justifié pour le Centrafricain lamda notammant - et qui en ont marre de l'occupation permanente de leurs terres par des forces étrangères, je demande que le Burundais lamda est censé penser et faire quoi aujourd'hui. Demander de l’aide à la communauté internationale ? La diplomatie ? Ces questions se répondent elles-mêmes chaque jour de nouvelles tueries qui passe. 

Dire que le Burundais moyen est manipulé par l'extérieur est aussi insultant que de dire que le Centrafricain moyen qui manifestait contre Djotodia, tombeur de Bozizé en RCA, était manipulé de l'extérieur. Ce que subit un peuple sous le joug d’une malgouvernance sanguinaire ne vaut-elle donc rien ? Ne suffit-elle pas pour justifier un soulèvement populaire, même s’il est plus ou moins organisé et en accointance avec une partie de l’armée ?

Le Burundais moyen se rebelle bel et bien contre la tyrannie et paie le prix fort. Plus de 120 000 Burundais ont déjà fui le pays de leurs ancêtres à cause des discours et gesticulations de haine des milices Imbonerakure d'un Nkurunziza assoiffé de pouvoir et de sang. Des dizaines de réfugiés meurent aujourd'hui de choléra, entassés dans des camps de fortune en Tanzanie, au lieu de vaquer paisiblement à leurs activités chez eux.

Tous les journalistes non-étatiques se sont réfugiés dans la clandestinité.

Les partisans de Nkurunziza sont frappés d'un mutisme désolant, à l'intérieur comme à l'extérieur, à l'instar de cette grande journaliste et va-t-en guerre en faveur des intérêts spoliés des Hutus par la minorité tutsie pendant les grands massacres inter-ethniques. Soudain elle ne parle plus et ne sait plus rien dans un petit rire gêné.

La « communauté internationale », de toute évidence muée par la sauvegarde de ses partenariats économiques avec Nkurunziza, n'a aucun sentiment particulier pour le nègre burundais, comme pour aucun nègre d'ailleurs.

Les femmes et les hommes de bien, ceux qui se sont limités à leur aversion pour les coups d'Etat, davantage en raison de leur passé traumatique que par principe, se sont arrêtés à mi-chemin de la réflexion.

Ceux qui accusent les Burundais d’être manipulés de l’extérieur le font souvent parce que dans leur propre marasme national, ils n'ont pas choisi l'option du consensus pour se soulever contre la longue tyrannie qui les enchaîne et qui a précipité leur cerveau dans l'amnésie et une manipulation d'Etat qu'ils ont honte d'avouer.

Ceux qui tombent dans le bouc-émissariat systématique qui se veut irréfutable, du "c'est la France...", "c'est le blanc... la blanche...", bref, c'est toujours l'autre, n'affrontent jamais le problème de face, cantonnés aux limites de leur argumentation.

Le plus interpellant est cette étrange ressemblance avec ce qui se passe souvent dans les conversations en tout genre. Soit les justifications fallacieuses que les imaginations débordantes trouvent pour condamner celui qui ose faire autrement, qui est courageux, celui qui ne louvoie plus avec ses principes, celui qui cherche à grandir malgré l'adversité, celui qui réclame son droit au droit, ce droit que les condamnateurs n'ont pas ou plus la force de réclamer pour eux-mêmes. Des revendications du droit au droit qui n'arrangent pas du tout ceux qui croient être sortis de la condition de colonisé et qui prennent un malin plaisir à fouetter leur congénère, munis croient-ils, d’un pouvoir supérieur qui leur permet de piétiner avec un mépris calculé celui que le Maitre a décrété comme superflu. 

En fin de compte, étant dans l'incapacité de sortir de son propre marasme, la recette pour éviter de se sentir davantage diminué, est de chercher à diminuer celui qui cherche le progrès, au cas où l’on considère que de pouvoir défendre la Constitution est considéré comme un progrès en Afrique.

Si aujourd’hui, on se positionne contre un coup d’Etat au Burundi parce qu’on est contre les coups d’Etat, pourquoi pas. Si on ne veut pas de l’aide de la communauté internationale, parce qu’on la considère comme une force d’occupation en puissance et qu’on estime que son objectif est loin d’être humanitaire, c’est un positionnement acceptable aussi. Mais on ne peut pas simplement s’arrêter là. 

On se positionne, on condamne dans la passion, et on retourne à ses fourneaux tranquillement ? 

Le citoyen burundais n’a pas ce luxe. Il est obligé d’agir. Sinon, il n’existe plus. Le pouvoir en place réussirait à prouver au monde que le citoyen burundais est superflu. 

Etre superflu ou ne pas être superflu, telle est finalement la question. 

Tout peut nous être pris, tout, sauf la liberté de penser.

Il reste donc invariablement à l’Homme le pouvoir d’une réflexion civilement courageuse, qui révolutionnera forcément l’esprit de colonisé qui nous habite souvent. 

Un pouvoir, une liberté d’émancipation et de responsabilisation subsiste donc, qui permettra finalement de contourner avec assurance l’ombre tant honnie du Maître. 

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