RCA: Affaire de bastions

Rebecca Tickle

"Noureddine dans son bastion de la Vakaga."
"Ziguele dans le bastion de Bozizé."
"Boyrabe le bastion des milices chrétiennes"
"Km5 bastion des (ex-)Seleka".

Je n'invente rien... regardez sur Google. L'expression s'utilise aussi au second degré bien sûr, mais en République Centrafricaine il s'agit toujours du premier degré.

Une saga de violences cycliques qui dure depuis les 55 ans de ce que certains appellent l'indépendance de la RCA. Une saga où les violences épisodiques se transforment en places fortes dans un climat de vengeance victorieuse. Construit dans la justification du sang coulé et armé de défenseurs adeptes de la Pensée unique, un coin potentiellement paisible devient un bastion où les citoyens font ce qu'ils peuvent pour faire avec, puisque ce sont les leurs et qu'on leur dit que c'est comme ça.

Le bastion des tartanpions en mal de mangeoire et de butin, la guerre des fiefs, voilà ce qui caractérise la guerre en RCA depuis trop longtemps. Le temps des rébellions, où chaque chef de guerre autoproclamé est devenu un terroriste pour les populations civiles, perpétuant sa posture même quand il se retrouve dans le giron du pouvoir qu'il a collaboré à prendre par la force.

De protection supposée, le Bastion est devenu bunker pour que nul ne puisse déloger le locataire abusif. Il est aussi siège de la destruction du tissu national et de l'unité qui fera invariablement perdre le pouvoir au malfrat qui s'y abrite avec sa milice privée comme le vers dans un fruit.

Une guerre moyenâgeuse, variant en intensité selon les temps qui courent, mais dont les victimes civiles se comptent par dizaine de milliers depuis des décennies.

En vérité, tous les "bastions" sont appelés à être démantelés à condition que l'on désire l'évolution de la RCA vers le meilleur.

L'eau est passée sous les ponts et il est temps de se concentrer sur la Nation, plus complète, unité de mesure inévitable malgré la toxicité de son origine coloniale, mais incontournable aujourd'hui en terme de front uni devant des défis surdimensionnés.

Cela ne signifie en rien la perte des spécificités locales ou leur minimisation, bien au contraire. Il devra justement s'agir de les mettre en valeur et d'en encourager le respect au plan national afin que finalement aucune région, aucun groupe socio-politique ne soit perdant en fin de compte. Impensable selon certains, parfaitement faisable selon d'autres. Et tout projet commence toujours par un rêve.

L'unité nationale face à des objectifs, des défis, des obstacles et des embûches. Un front en faveur du Bien commun et un territoire national si malmené, vilipendé et abandonné à son sort au nom de la guerre des fiefs à la recherche d'un Graal appelé "Butin".

La Nation, un château fort face à l'ennemi qui convoite sans cesse ses terres et ses richesses. L'ennemi-ci existe depuis la nuit des temps.

Tout tourne ensuite autour de la définition de l'ennemi. Une notion qui a été brutalisée et tortionnée à souhait en Centrafrique "indépendante", prenant en otage des populations entières, qui, impuissantes, subissent leur destin apparent de boucliers humains, de boucs émissaires ou de chair à canon déguisée en porteurs de machettes et de grigri.

La promotion de bastions, par des tiers le plus souvent, reste dans le langage guerrier, subliminal dans certains médias, l'expression la plus pure de la division ethnique dans une culture rétrograde d' "oeil-pour-oeil, dent-pour-dent", où tu me voles une chèvre, je t'en vole donc dix. L'escalade de la violence inter-communautaire devient inévitable et surtout permanente, empêchant toute forme de progrès. Justement!

Les prédateurs tout azimut, pour qui l'inattention générée par des disputes en cul-de-sac devient une diversion très efficace pour la course à l'échec et mat, s'organisent en vue du fait accompli definitif. Ils sont nombreux, et on ne peut toujours leur en vouloir entièrement tant certaines brèches sont laissées béantes.

Donc, affaire de bastions là, arrêtons cela très vite. La vie de nos compatriotes en dépend tout d'abord. La pénétration des esprits par des idées malfaisantes vehicule une haine intercommunautaire artificielle qui ne sert qu'à promouvoir des appétits égocentriques et des intérêts du pré-carré néocolonial. La chronique annoncée du bain de sang et de la désolation profonde dans tous les foyers.

Comme tout le monde le sait, le territoire centrafricain et ses fruits appartient à tous les Centrafricains. Affaire de bastion c'est de la diversion appuyée par des médias qui aiment jeter l'huile sur le feu, à dessein sans aucun doute.

Que ces élections qui commencent l'avant-dernier jour de 2015 soient celles de la promotion de la prospérité pour tout citoyen centrafricain sans exception. Que s'ancre dans les esprits que le concept Magouille est stérile et que l'étau se reserrera toujours autour de ceux qui la pratique.

Que la vision d'enrichissement personnel et népotique illégal deviennent une source de vigilance et de conscientisation pour tout Centrafricain en faveur d'un partage transparent et progressiste du pactole national.

Ne perdons jamais de vue le pouvoir d'un peuple conscient. Un peuple qui connaît ce qui est bon ou mauvais pour lui, saura aussi puiser ses forces au bon endroit pour chercher à se renforcer dans le Théâtre des Nations.

Bastion est donc égal à sable dans les rouages. L'oppositionnel armé en permanence. La défiance à toute pression qui cherche à lui barrer la toute. Le Poison de la Nation.

Le peuple centrafricain en a marre.
Que cesse enfin la guerre des bastions.

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