Mes voeux pour 2016

Rebecca Tickle


En ce 1er janvier 2016, mon seul et unique constat est que le combat pour notre émancipation, tant au nord qu'au sud, doit continuer de plus belle.

Je souhaite donc à ma famille de coeur et à mes camarades, que nous continuions, ensemble le plus souvent possible et inlassablement, à rassembler les forces nécessaires à ce combat de chaque jour.

C'est en réécoutant Charles Onana, journaliste d'investigation, pour nième fois, que j'ai encore réalisé l'importance de rappeler à quel point de rester sans rien dire et sans rien faire devant les atrocités dont nous avons connaissance aujourd'hui grâce à internet et aux réseaux en tout genre, est véritablement criminel.

Or nombreux sont ceux qui n'admettent pas qu'en restant confortablement installés dans leur moelleux quotidien de citoyen bien-pensant est en vérité ce qui canalise le Mal sur terre.

"Pour triompher, le mal n'a besoin que de l'inaction des gens de bien" disait Edmund Burke déjà au 18ème siècle. Le scoop est donc dépassé depuis belle lurette.

Les grandes tragédies d'aujourd'hui s'appuient de tout leur poids et exclusivement sur le silence des "gens de bien" et sur l'indifférence de ceux qui ont bel et bien les moyens d'agir. Et pire encore, dans le giron de ceux qui seraient capables d'influer en bien sur le destin de millions d'autres gens, se sont développées des stratégies machiavéliques pour profiter de conflits qui finalement sont créés pour gonfler des bénéfices illégitimes et profondément indécents.

Mon Afrique à moi a un besoin irrépressible de redéfinir le concept de la décence, de la dignité humaine, surtout du Droit à une vie décente. Plus que tout, elle a besoin de redessiner le Droit de ne pas accepter qu'on vienne lui imposer ce qu'elle ne veut pas. Aujourd'hui, cette Afrique que je chéris tant, la terre des ancêtres de mes frères et soeurs, est dénuée de ses véritables forces.

Les raisons de cette absence de force sont multiples. La littérature et les débats sur les origines et les responsabilités sont indispensables,  riches et non exhaustifs. A tel point que les innombrables solutions évoquées n'ont pas encore su créer un consensus convainquant, imprégné de l'assurance inamovible d'une roue qui tourne.

Il est en effet encore trop facile aujourd'hui de se laisser aller au pessimisme, qui ensuite justifie sans peine un immobilisme omnipotent.

Pourtant, le sentiment d'optimisme n'est pas mort et il reste même l'oxygène permettant la survie de millions de citoyens africains. Un sentiment qui s'apparente très furieusement à ce qu'on appelle la liberté de penser, de tout être humain sur terre.

La lutte quotidienne auquelle chacun de nous peut contribuer est d'abord de ne jamais oublier un seul instant les damnés du continent africain, dont nous partageons invariablement l'origine. Elle est aussi de vouloir à tout prix chercher à combattre la vraie source de leurs indicibles souffrances, de s'engager à trouver avec eux, avec nos parents, les forces nécessaires pour que l'intolérable cesse d'être imposé comme le Normal et l'Acceptable. Elle est surtout de refuser de se laisser entraîner dans les "de toute façon on ne peut rien faire" de ce monde, des jaloux, des faibles, des lâches, leur qualificatifs variant par leur motivations.

La lutte contre la culture de l'indifférence et ses alibis est notre tout premier défi.

Pour parler concrètement, je souhaite évoquer la situation du Congo dit démocratique. Plus de 20 ans que des crimes insoutenables contre les populations du Congo sont commis dans le silence totalement criminel de la communauté internationale.

Dans les analyses soutenant le plaidoyer en faveur du peuple congolais figure forcément le rôle du Rwanda de Paul Kagamé ainsi que sa déclaration du Nouvel-an 2016 sur sa décision de rester au pouvoir à vie.

L'avènement et le rôle de Kagamé, ainsi que ses liens au sein de la communauté internationale, sont à mettre en parallèle avec les attributs d'autres personnages publics en Afrique, plus particulièrement en Afrique Centrale.

Je pense plus particulièrement à mon pays la République Centrafricaine et au drame qui s'y déroule silencieusement depuis le 30 décembre 2015. Le rôle cristallin de certains voisins très envahissant ne peut être ignoré dans la prédation passée et future du pays, dans le même esprit que que les activités de Kagamé au Congo. Sans oublier bien sûr le pillage par l'intermédiaire de l'occupation militaro-politique des puissances étrangères, plus particulièrement du colon qui disait en 1960 qu'il partait et qui en réalité n'est jamais parti. Tout cela bien évidemment dans le mépris total des populations centrafricaines et leur désir de paix et d'une vie décente.

En attendant d'y réfléchir en profondeur, écoutons déjà les mots de Charles Onana sur la tragédie du Congo à travers notamment le Rwanda de Kagamé.

Des paroles sans la moindre concession, l'anti-langue de bois par excellence, qui consacre l'horreur de ce que vivent des millions de damnés du continent africain.

Onana nous rappelle pour commencer que depuis 1998 plus personne ne tient une comptabilité des pertes humaines au Congo. Et pourtant les systèmes existant sur terre pour détecter un nombre de victimes quand c'est important, sont nombreux. Au Congo ce n'est pas important de savoir, et en plus c'est très gênant.

En Centrafrique également, personne de connaît le nombre de victimes des impostures à répétition depuis 1960, ni encore des massacres depuis janvier 2013 par les différents acteurs de la crise.

Onana nous rappelle aussi à quel point la tragédie du Congo a été banalisée par le silence et l'indifférence totale de l'opinion publique internationale. Les gens ne se rendent même pas compte de l'ampleur de la catastrophe humaine en cours et ne comprennent pas que c'est l'équivalent de la population du Danemark (5 650 000 habitants) qui a été rayée de la carte depuis 1998. Comme l'intérêt pour ce qui se passe est absent dans les esprits, on a l'impression qu'il ne se passe rien.

Un silence criminel à l'état pur, orchestré et en présence de complicités incommensurables.

En Centrafrique tout autant, le silence est de mise. Les médias occidentaux, complices dans la politique africaine des gouvernements qu'ils représentent, cultivent les scoops à deux vitesses. En effet, RFI dans son journal du 31 décembre au matin, savait déjà qu'il n'y aurait pas de 2ème tour, alors que les dépouillements avaient à peine commencés. Le ton arrogant de certains journalistes voile à peine la négrophobie institutionnelle qui intoxique la politique francafricaine depuis 1960.

L'Afrique est pourtant là, elle est le grenier du monde. Tant en termes de ressources naturelles qu'en termes de ressources humaines. Sa force réelle - émancipée par définition - est pourtant escamotée, ignorée, oubliée, autant par ses enfants que par ses prédateurs.

Cela ne durera pas.
L'éveil conscient est en marche.

Bonne année 2016.


Charles Onana sur le Congo et le Rwanda


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