Au-delà de l'élection, un parfum de fin de récréation
Rebecca Tickle
Dernière ligne droite avant la comédie électorale de dimanche 10 avril prochain au Tchad.
Après l'arrestation le 24 mars dernier des porte-paroles et figures de proue des coalitions de la société civile, le porte-parole ad intérim a été convoqué à la police judiciaire le 2 avril pour interrogatoire. Le ministre de la Sécurité est formel. "Aucun désordre ne sera toléré".
Le Désordre! L'indignité par laquelle on tente une fois encore de culpabiliser et d'intimider le Citoyen.
A peine le porte-parole remplaçant est-il neutralisé par les propriétaires autoproclamés du Tchad, que les remplaçants des remplaçants sont déjà désignés (et ainsi de suite à chaque interpellation) par une société civile qui ne se laisse plus impressionner.
Ceux qui ont construit leur bourgeoisie dans le sang et qui se croient proprio intouchables jusqu'à la fin des temps, n'ont donc qu'à continuer à faire tomber les arbres sans écouter la forêt qui pousse. L'harmattan souffle dans le Bodélé et l'homme est aveuglé par la poussière. Qui pisse contre le vent boira la tasse.
Un parfum de fin de récréation a d'ores et déjà envahi les rues de Ndjamena, renforcé par le bouclage de la ville par les forces de l'ordre qui veulent empêcher la tenue de la marche pacifique d'aujourd'hui, et la soif de changement, quel qu'il soit, exacerbe les esprits plus que jamais. Le début de la fin d'une époque, sans doute, soit demain, soit après-demain.
Le temps béni des hold-up constitutionnels et électoraux commence à s'essouffler. Et les affaires d'élections du choix-du-peuple qui violent la volonté populaire avec une assurance arrogante, se heurtent au grondement sourd d'une colère grandissant au cœur des foyers.
S'il est vrai que sous d'autres cieux les ras-le-bol populaires ont été récupérés par des sous-préfets caméléon profito-situationnistes, qu'ils ne s'y trompent pas.
Quelque soit la méthode de confiscation du pouvoir, par essence à des fins d'enrichissement personnel et clanique, le rire deviendra jaune lorsque les parades deviendront indestructibles dans des esprits jusque là sous narcose.
Les habitudes péri-électorales dans un contexte démocratique pétri d'un exotisme colonial, caricaturé par un appareil médiatique sucré et subversif à souhait, reconfirmé depuis les pseudo-indépendances par la comédie multipartiste des années '90, sont en voie de déconstruction. Avec elles aussi se désintègre lentement mais sûrement la vision par lui-même d'un peuple inconscient de ses capacités, faible, analphabète, ignorant de ses valeurs intrinsèques et de son pouvoir.
Abri d'enfants de la rue aux abord de Ndjamena. Des militants du MPS les ont forcé à arborer les effigies du parti au pouvoir, sous peine d'être tabassés. |
Les tyrans ont longtemps été en sécurité dans leur poste de président librement-et-démocratiquement-élu avec le soutien militaire et politique du colon qui disait qu'il-partait-mais-qui-n'est-jamais parti. Au lieu d'échanges bilatéraux gagnant-gagnant où les partenaires économiques se mesurent du regard en permanence, obligés par nature de se respecter, les échanges restent ancrés dans le sens unique où le système de valeurs auto-proclamé supérieur de l'un qualifie et encourage l'autre dans une posture définitivement inférieure, indigne et superflue. Le premier pourrait d'ailleurs bien être debout parce que le deuxième est à genou.
Ceci dit, les forces armées françaises sont pratiquement doublées au Tchad depuis un temps, et le commandement politico-militaire ayant organisé la neutralisation de Laurent Gbagbo en 2011 à Abidjan est aujourd'hui présent à N'Djamena. La protection des biens coloniaux de la France au Tchad en mode vigilance maximale.
Malgré tout cela, le peuple en éveil sait bien aujourd'hui que ce n'est pas qu'aux élections qu'on dit non à un despote qui n'a strictement rien fait pour développer son pays en 26 ans.
Le peuple n'acceptera plus jamais un système où tous les coups sont permis à sens unique. #TropCestTrop et #ÇaSuffit!
Le Mouvement Patriotique pour le Salut est mort. Il ne bougera plus, le vrai patriote est ailleurs et son salut n'a jamais été qu'un leurre pendant plus d'un quart de siècle.
Reste le poids du totalitarisme français qui pimente la situation, mais dont l'omnipotence ne résistera pas éternellement à la proactivité grandissante de la société civile africaine.
Courage les Gens!!!
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